Les anciens résidents du Petit Séminaire, un ensemble immobilier érigé à Marseille en 1960 et situé entre les 12e et 13e arrondissements, éprouvent encore une profonde tristesse. « Ce qui s’est produit ici est un véritable affront pour la nation », déclare Guy Lucchesi, président du Conseil d’Intérêt de Quartier Beaumont-Plateau. En 1982, les quatre bâtiments ont été parmi les premiers à subir une réhabilitation dans le cadre de la politique urbaine française.
Cependant, à partir de cette initiative, cette cité comptant 250 logements a progressivement sombré dans l’abandon jusqu’à sa démolition récente. « Le Petit Séminaire était devenu une plaque tournante pour le trafic de drogue. Dans les années 80 et 90, des personnes venaient de tout Marseille pour acheter de l’héroïne ici. Les embouteillages s’étendaient jusqu’aux Olives. La violence, la délinquance et les squats étaient omniprésents ; les autorités publiques sont restées inactives et un matin on a informé des familles vivant ici depuis des générations qu’elles devraient quitter leur domicile », se remémore Guy Lucchesi avec amertume.
« C’est devenu une décharge; nous avons été abandonnés, » témoigne Antoine
Antoine partage également ce sentiment d’injustice après avoir passé six décennies au Petit Séminaire. Avec la destruction des bâtiments, il est consterné par la transformation de son quartier en friche et en décharge : « Regardez ces pneus éparpillés, ces meubles abandonnés ! C’est une véritable décharge. Nous avons été laissés à l’abandon, » s’indigne-t-il avec véhémence. Il évoque alors une époque où la communauté vivait dans l’harmonie : « Ici, tout le monde se respectait; on partageait tout – couscous ou paella – chacun apportait sa spécialité pour partager un repas ensemble. » Ce sentiment est partagé par Guy Lucchesi : « Il n’y avait pas d’animosité entre les différentes communautés ici comme ailleurs ; il y avait un esprit solidaire unique. »
Un futur prometteur avec l’aménagement d’une coulée verte
L’espoir d’un renouveau a émergé en 2023 lorsque le quartier a été sélectionné parmi dix projets du programme national innovant intitulé « Quartiers de demain », lancé par Emmanuel Macron. Une coulée verte s’étendant sur 3,7 hectares est prévue ainsi qu’une centaine de nouveaux logements : “Nous avons besoin impérativement d’espaces verts”, affirme Rabah qui a emménagé au Petit Séminaire en 1969. “Il faut créer des zones où nos enfants peuvent jouer pendant que nous discuterons entre adultes ; des lieux ombragés où nos vieux pourront trouver refuge loin du soleil.”
Des spécialistes tels que des architectes et urbanistes travailleront désormais sur ce projet dont seul l’aménagement paysager devrait coûter environ 1,7 million d’euros. “Nous souhaitons retrouver notre respiration,” poursuit-il nostalgiquement ; “Autrefois c’était rempli de verdure avant que tout soit bétonné.” Raviver ces espaces publics conviviaux serait essentiel pour recréer du lien social.
D’ici janvier prochain sont prévus divers ateliers participatifs réunissant acteurs locaux impliqués dans cette réhabilitation ainsi que résidents motivés par le projet qui pourrait aboutir aux alentours de 2027 : “Une rénovation réussie doit involontairement prendre compte évidemment des résultats locaux,” souligne Guy Lucchesi tout en nourrissant un espoir mitigé face au risque potentiel que certains habitants pourraient être encore privés davantage adhérer collectivement aux changements nécessaires.